Le Journal intime d’un arbre – Didier van Cauwelaert : ce que la nature nous enseigne sur le vivant

Le Journal intime d'un arbre - Didier van Cauwelaert : ce que la nature nous enseigne sur le vivant

Un arbre qui parle, vraiment ?

Imaginez un chêne qui prend la parole, qui raconte sa vie, ses ressentis, ses douleurs, ses joies, ses relations avec les autres êtres vivants… C’est le pari audacieux qu’a relevé Didier van Cauwelaert dans Le Journal intime d’un arbre. Un roman qui, sous forme de fiction, fait résonner une vérité bien réelle : les arbres sont des êtres vivants sensibles, complexes, sociaux, et profondément connectés à leur environnement. À travers leurs racines, leur sève, leurs feuilles, ils perçoivent, communiquent, s’adaptent. Ce livre, en donnant littéralement la parole à un arbre, nous offre un changement de point de vue salutaire : celui du vivant parce qu’il est vivant, et non pour ce qu’il peut nous apporter.

Et si on écoutait un peu plus la nature, au lieu de chercher sans cesse à la dominer ?

Un roman… mais pas que

Certes, Le Journal intime d’un arbre se lit comme une fable. C’est un roman court, fluide, parfois émouvant, souvent drôle. Le narrateur est Tristan, un platane de 300 ans, fauché sans raison et dont l’âme, en attendant la réincarnation, continue à observer les humains, leurs absurdités mais aussi leurs élans d’espoir. À travers lui, Van Cauwelaert aborde des sujets très actuels : urbanisation galopante, destruction des espaces naturels, déconnexion croissante entre l’humain et le monde vivant. Loin d’être donneur de leçon, le ton est à la fois léger et percutant.

Mais ce texte va plus loin qu’une fiction poétique. Il puise dans des données bien réelles, nourries par les dernières avancées de la biologie végétale, de la neurobiologie des plantes, de l’écologie comportementale. Et c’est là que ça devient passionnant pour nous, lecteur·rice·s sensibilisé·e·s à l’alimentation bio et à la consommation responsable.

Un éclairage sur l’intelligence végétale

Depuis une dizaine d’années, les recherches scientifiques sur les plantes ont remis en question bien des croyances. Oui, les arbres communiquent entre eux, notamment via des réseaux fongiques souterrains (parfois surnommés le « Wood Wide Web »). Oui, ils peuvent reconnaître leurs voisins, transmettre des alertes face aux attaques d’insectes, s’entraider entre individus d’une même espèce, voire interagir avec les racines de leurs descendants pour favoriser leur croissance. Tout cela sans système nerveux au sens humain, mais via des processus électrochimiques complexes.

Tristan, le platane narrateur, évoque ces connexions avec poésie et simplicité. Il nous raconte comment il ressentait la pollution de l’air, percevait la souffrance d’autres arbres abattus ou s’adaptait au comportement des animaux vivant autour de lui. C’est toute une école de l’écoute qui se dessine : celle de la lenteur, de l’observation, du respect du vivant dans toutes ses formes.

Ce que la nature nous enseigne sur le respect de l’autre

À travers ce roman, une vérité saute aux yeux : nous vivons dans une société qui divise, classe et hiérarchise le vivant. Or, le fonctionnement naturel — et particulièrement celui des forêts — repose sur la coopération, l’interdépendance, le respect des rythmes naturels. Le parallèle avec l’alimentation bio est évident. Quand on choisit du bio, c’est souvent pour consommer mieux, mais aussi pour respecter la terre, protéger la biodiversité, préserver l’équilibre des écosystèmes.

Et si on allait encore plus loin ? En observant la manière dont les systèmes naturels gèrent les ressources, entretiennent la fertilité des sols ou adaptent leur alimentation en fonction des saisons, on découvre une foule d’enseignements directement applicables à notre quotidien :

  • Consommer de manière locale et de saison, comme les plantes qui s’adaptent spontanément à leur environnement.
  • Privilégier des circuits courts, à l’image des écosystèmes qui fonctionnent en boucles fermées, sans gaspillage.
  • Partager les ressources, comme les arbres qui transmettent des nutriments à ceux qui en manquent.
  • Donner du temps au temps, en respectant la lenteur des cycles naturels et en sortant de la logique du « toujours plus, toujours plus vite ».

Le Journal intime d’un arbre nous invite à repenser nos rapports au vivant, mais aussi à nous-mêmes. Et si nous étions moins centrés sur notre propre efficacité, et davantage à l’écoute des autres êtres vivants ?

Une démarche écoresponsable nourrie par la connaissance

Plus on comprend les mécanismes de la nature, plus notre consommation peut devenir éclairée. Ce roman fonctionne comme un déclencheur : en mettant en lumière l’intelligence sensible des arbres, il nous pousse à revoir nos choix. Pas besoin d’être botaniste pour commencer à regarder un arbre autrement, ni pour faire évoluer notre comportement au quotidien :

  • Faire attention à la provenance de nos fruits et légumes.
  • Soutenir les petits producteurs engagés dans l’agroforesterie ou l’agriculture biodynamique.
  • Planter un arbre dans son jardin, ou parrainer une parcelle de forêt restaurée.
  • Refuser d’acheter des produits issus de cultures déforestées (comme certains palmiers à huile ou soja non certifiés).

Chaque action, même minime, est un pas vers une reconnexion au vivant.

Et côté cuisine, que peut-on retenir ?

Là aussi, la nature a beaucoup à nous dire. Les arbres, par leur mémoire des saisons, leur capacité à stocker ou libérer des nutriments au bon moment, leur adaptabilité, nous rappellent un principe fondamental : la synchronisation. Cuisiner avec le calendrier naturel, choisir des fruits récoltés à maturité, valoriser les ressources locales permet non seulement de mieux nourrir notre corps, mais aussi de nous inscrire dans un cycle plus grand, plus respectueux.

D’ailleurs, après avoir refermé ce livre, j’ai eu envie de rendre hommage à ce platane si bavard — et si inspirant — avec une recette toute simple et végétale, que je vous partagerai bientôt : un velouté de panais et noisettes torréfiées, parfumé à l’huile de noix, pour célébrer la robustesse et la douceur du monde végétal. Parfaite pour les soirées humides de février quand on rêve de chaleur… et de racines.

Un livre à mettre entre toutes les mains (même les petites !)

Vous avez des enfants ? Des ados ? Le Journal intime d’un arbre est également un excellent point d’entrée pour aborder des thématiques souvent complexes : la vie des arbres, la logique écologique, l’interconnexion du vivant. Accessible dès 12 ans, il crée un pont entre la nature et l’imaginaire. Idéal pour une lecture en famille suivie d’une balade en forêt, les yeux ouverts autrement. Car oui, après avoir rencontré Tristan, impossible de regarder un arbre sans se demander ce qu’il a vécu, vu ou senti…

Apprendre à écouter autrement

Ce roman n’est pas qu’un divertissement : c’est une invitation à ralentir, à écouter autrement, à se reconnecter. Finalement, la force du livre de Van Cauwelaert réside dans cette capacité à nous faire basculer intérieurement, sans grands discours, juste par l’émotion et l’imaginaire.

Et si l’écologie, l’alimentation bio, la consommation responsable passaient d’abord par une écoute empathique du monde ? À méditer sous un arbre… les pieds dans la mousse et le nez en l’air.